Photo d'un régisseur général

“C’est de notre ressort”, Retour d’expérience d’un régisseur général

Ils agissent

Ecoprod a eu la chance de recueillir les propos de Laurent Perrot, régisseur général, qui a spontanément pris le temps entre deux tournages de venir partager avec nous ses retours d’expérience en matière d’éco-production.

Il y a des moments de bonheur pour Ecoprod, et la rencontre avec Laurent en fut un !

C’est un privilège pour nous de le recevoir, quand on sait que Laurent a travaillé sur les films de réalisateurs prestigieux comme Polanski, Anne Fontaine ou Julien Rappeneau…La première chose qui nous a frappés, c’est sa modestie. Si Laurent est sensible à l’environnement, c’est parce que comme tout le monde, il voit bien que « les déchets, l’environnement, le gaspillage, tout ça, ça va pas ». C’est l’envie de faire évoluer qui le pousse à agir à son niveau.

« On ne peut plus ignorer les problèmes environnementaux »

Ce régisseur pense qu’on a tous les moyens de connaître aujourd’hui l’impact de nos activités, on a l’information. On ne plus dire qu’on ne savait pas, et puis «on se sent coupable si on ne fait rien » ajoute-t-il. L’éco-responsabilité s’impose, c’est un mouvement général dans la société. Laurent pense que tout le monde y est sensible, mais le problème c’est la mise en œuvre. Aucune raison de désespérer, bien au contraire : « C’est super encourageant en fait ! Il suffit de s’y mettre, de déterminer sur quoi on va agir, et de s’y tenir. C’est de notre ressort, notre bonne volonté ! ». La détermination positive de Laurent est perceptible et contagieuse.       

Expérimenter d’un film à l’autre

C’est au Canada que Laurent a expérimenté pour la première fois des pratiques de recyclage sur les tables régie. « Il faut dire que là-bas, ils consomment beaucoup de canettes ! ». De retour en France il expérimente quelques pratiques éco-responsables. Son but était au départ d’éviter la consommation de gobelets en plastique et d’innombrables petites bouteilles à peine entamées, très vite oubliées dans un coin du plateau. Il a d’abord remplacé les gobelets en plastique par des gobelets carton. Mais quand il a découvert que les gobelets souillés n’étaient pas recyclables, il a pensé aux gourdes. Trouver la bonne gourde, celle qui est facile d’utilisation et qui n’altère pas le goût de l’eau, ça n’est pas si facile, et il a fallu plusieurs tournages pour que Laurent et son équipe réussissent à imposer pour toute l’équipe des gourdes à la place des gobelets ou des bouteilles d’eau individuelles.

« J’ai connu beaucoup de ratés, mais c’est comme ça qu’on apprend ! »

Préparation, communication et cohérence

Il ne suffit pas d’avoir trouvé le bon outil pour réduire son empreinte carbone, il faut aussi réussir à l’imposer à l’équipe. Cela commence d’abord par l’équipe régie elle-même. La cohésion de l’équipe est primordiale. Communiquer à ses adjoints et stagiaires les principes de tri par exemple, ça paraît simple, mais dans la réalité, il faut parfois plusieurs tournages pour entériner des changements dans les pratiques. Il ne suffit pas de l’énoncer une fois. Ensuite quand il faut réussir à imposer un changement de pratique à toute l’équipe de tournage, le tri des déchets par exemple, Laurent recommande de préparer sa stratégie suffisamment en amont : « Il faut vraiment prendre le temps d’expliquer à l’équipe avant. Parce que sur le moment, ce n’est pas possible de tout contrôler, et il y a de la pression ». De même si on adopte un principe, il faut l’appliquer à tout le tournage, sinon, ça ne marche pas. Laurent a fait l’expérience d’un raté de ce genre, en installant pour la partie du tournage qui se passait en studio, des paniers de basket pour inciter au tri. Comme ce système n’existait que sur le décor en studio, cela n’a pas fonctionné. On apprend de ses ratés !

« Quand c’est bien préparé, les gens jouent le jeu à fond »

Savoir être modeste

Cette bonne préparation, qui est la condition du succès, Laurent la pratique à chaque fois pour « un détail », une petite chose, un changement dans les pratiques.  Par exemple il a réussi à se passer complètement de la machine à café à capsules qui génère beaucoup de déchets. Laurent préfère avancer petit à petit, et réussir à pérenniser. C’est comme ça qu’il s’y retrouve. Il le voit comme un exercice personnel. Il avance étape par étape, en prenant bien soin de faciliter le travail des équipes. Le changement ne doit pas aller contre le bon déroulement de leur travail, c’est une évidence, mais qu’il faut toujours garder à l’esprit.

Un sentiment de solitude…et des bonnes surprises !

Pour l’instant Laurent se sent toujours un peu seul sur les tournages dans sa démarche soucieuse de l’environnement. En revanche, chez les régisseurs, et notamment ceux qui font partie de l’AFR, la plupart connaissent ECOPROD. Les équipes avec lesquelles Laurent travaille sont sensibilisées au niveau individuel, mais cela ne se traduit pas toujours dans leurs réflexes professionnels. Il les comprend, il y a beaucoup de contraintes qui s’imposent dans l’urgence d’un tournage. Le directeur de production, avec lequel il travaille régulièrement, n’est pas engagé comme lui dans cette démarche, mais il lui laisse la liberté de s’organiser, et de faire comme il le souhaite face à l’équipe. Cette confiance est très importante. Laurent ajoute que pour avoir évité les bouteilles d’eau en plastique sur le dernier tournage où il a officié, il a eu droit à des remerciements d’un des acteurs du film. Mais sa plus grande surprise fut le compliment du producteur à la fin du tournage, qui a loué son « courage » ! Alors ça, il n’y aurait jamais cru !

« Il faut juste s’organiser, et montrer de la bonne volonté »

Intérêts croisés

Pour autant, Laurent ne voit pas ces changements comme des contraintes. Au contraire, pour lui, c’est du temps et de l’argent gagnés. Rien qu’en remplaçant les petites bouteilles d’eau par des gourdes, on évite d’envoyer son adjoint en courses, on s’épargne les déchets, le tri : on fait des économies de temps, de transport, de travail et d’argent ! Pour Laurent la majorité des démarches éco-responsables vont dans le sens de la production, les intérêts se croisent souvent en termes d’efficacité et d’économies. Il faut changer les habitudes, mais la finalité reste la même. Il ne s’agit pas de faire des sacrifices, ni de faire plus de dépenses.

Prochains objectifs 

Sur le prochain film, Laurent a agi sur les transports : il n’y aura plus de véhicules diesel, c’est acté. Son objectif suivant, ce sera le bois : le choix d’un bois éco-responsable, c’est quelque chose qui fait sens pour lui. Il aimerait transmettre ses aspirations aux autres départements, et notamment à l’équipe déco.

Laurent termine cet entretien en remerciant Ecoprod « pour tout ce que nous faisons ».

Merci à toi aussi Laurent, ton retour d’expérience nous est précieux !