Aux Deauville Green Awards “Expédition Amérique du Sud” s’est distinguée par son approche environnementale tant sur le fond que sur la forme. Depuis une quinzaine d’années Geoffroy et Loïc parcourent le monde en équipe réduite. Rencontre avec Geoffroy.
Deux frères sur les routes
En 2003, Loïc et Geoffroy de La Tullaye partent pour un tour du monde qu’ils n’ont jamais vraiment terminé. Au départ, une envie égoïste de partir, celle de découvrir le monde, un voyage intérieur à la rencontre de l’autre. Sans formation en cinéma ni trop de préparatifs, ils se lancent. Un besoin de partir certes, mais pour se rendre utile.
Les questions personnelles qui les animaient trouvent des échos. Après la publication d’un livre “Hydrotour” et un premier film “Aux sources de l’Espoir”; ils fondent en 2005 la société BIGLO PRODUCTIONS pour continuer de remonter le cours du temps et traverser les civilisations.
Leur objectif, sensibiliser sans culpabiliser : montrer un environnement et une planète qui se mobilisent autour des questions de l’eau.
En effet, “l’eau s’est vite imposée comme un sujet pour comprendre cette relation que l’homme entretient avec elle depuis le début de l’humanité. Nous cherchons à comprendre nos racines, avec l’eau comme miroir de notre évolution. Pour regarder derrière et se projeter. L’eau comme outil et indicateur de l’état du monde.”
Quatre expéditions pour remonter le cours de l’eau
Quatre expéditions suivent :
“’Expédition Yangtsé”, le long du fleuve filmée en deux fois entre 2006 et 2007 depuis les monts du Tanggula Shan jusqu’à Shangai.
“Nous ne savions pas filmer, nous avons appris sur le tas. Quand nous sommes partis, nous n’avions ni permis de conduire, ni plaque, ni autorisation de filmer. C’était avant les JO : la Chine commençait à s’ouvrir, ils n’étaient pas habitués à voir arriver deux gars en moto. Nous avons essayé et ça a marché”
Pourquoi sur les hauts plateaux, faut-il marcher deux heures par jour pour trouver de l’eau alors qu’à Shanghai il y a l’eau courante dans toutes les maisons? Le temps passé à chercher de l’eau ne peut pas être utilisé à autre chose, ca permet d’expliquer nombre d’inégalités.
“Expédition Kachgar” sur les routes de la soie pour remonter le fil de la mondialisation,“Expédition Grand Rift” pour comprendre le lien eau et mode de vie,“Expédition Amérique du Sud” pour suivre le lien entre eau et ressources naturelles.
“Le sujet des documentaires est transversal c’est ce qui nous plaît, ne pas être cloisonné. L’eau est une ressource utilisée en agriculture, dans les villes, pour l’énergie. On aborde toutes les thématiques et on donne des clés de lecture.”
Des tournages éco-produits depuis 15 ans
Dès 2009 l’équipe réalise un bilan carbone sur le projet Kachgar. “L’ADEME nous avait donné le devis Ecoprod Carbon Clap’. Notre agence qui est aussi société de production, avait l’accréditation bilan carbone donnée par l’ADEME membre d’Ecoprod. Nous en faisions pour les entreprises.”
L’estimation s’élève à 50 tonnes de carbone émis, sans compensation. Un choix qui se justifie par la volonté de s’investir à d’autres niveaux via d’autres dispositifs que l’achat d’une bonne conscience.
Esprit de tournage
“Comme notre démarche est une démarche d’apprentissage et d’immersion qui se construit sur le terrain, nous prenons notre temps et n’arrivons pas sur les lieux de tournage en hélicoptère. Tout prend plus de temps, mais c’est le seul moyen que nous ayons trouvé pour favoriser la rencontre et de faire ainsi évoluer notre regard sur le monde qui nous entoure.”
Le mode de transport :
Les tournages sont effectués uniquement par voie terrestre, seule l’arrivée au point de départ est en avion. Après le premier tour du monde en Citroën acadienne, il roulent maintenant en Side-Car “Un side-car ne va pas vite, nous ne sommes pas cachés derrière des vitres blindées et restons ainsi à la portée des gens, ce qui est notre priorité”.
S’ils ont essayé de réutiliser un véhicule sur deux expéditions, ils ne le referont pas. “Certes, cela a ajouté de l’aventure, mais il nous faut quand même avancer et les problèmes de réparation ralentissent le tournage. La moto n’est pas notre sujet de reportage.”
Équipe et matériel
Les deux routards voyagent sans “fixeur” mais toujours avec un interprète et depuis les deux derniers épisodes avec un cameraman. Le matériel est réduit à un appareil photo et deux caméras. Une petite portative pour des plans incarnés et une plus grosse.
Locaux
Leur société est logée au 58 rue de Douai dans le 9ème arrondissement de Paris, les locaux sont partagés avec l’entreprise Setkeeper dirigée par Octave Bory.
Si certains de leur choix de tournage coûtent cher, notamment le temps de tournage puisqu’un budget 10 jours devient celui de 5 mois ils récupèrent des fonds sur la partie conseil de l’entreprise.
Biglo productions : une sociéte de production, de conseil, d’animation au service de la sensibilisation à l’eau
Production de leurs documentaires
Conseil aux entreprises autour du thème de l’eau avec un nouvel associé. L’objectif est de produire un outil permettant d’utiliser l’eau comme un modèle de gestion et de compréhension des actifs environnementaux. Comme l’évaluations des risques « eau » d’une entreprise ‘water-stewardship).
Animation : conférences en entreprise, travail de sensibilisation dans des écoles (en Belgique et en France), caravanes de conférence et organisation de concours pour sensibiliser des jeunes et les faire participer au forum mondial de l’eau.
Et après ?
Optimiste et confiant en l’avenir, Geoffroy conclut : “L’eau est un excellent exemple pour comprendre que ce que nous avons pu faire avec une ressource capricieuse, nous pourrons le refaire pour d’autres ressources. On ne s’entretue plus pour l’eau”
Un rival à l’origine c’est quelqu’un qui habite la même rive avec qui l’on se battait pour avoir accès à l’eau. Maintenant c’est un riverain qui est plus entendu comme voisin. Nous ne sommes plus dans l’affront, mais dans la collaboration et la coopération.
Si en Europe la préservation de l’environnement est un enjeu économique, ailleurs il est vital.Nous constatons une incapacité à répondre aux besoins des populations dans le cadre du modèle économique dans lequel nous vivons. Pour que ces pays prennent conscience de l’environnement, il faut d’abord régler le problème de l’eau. L’accès à l’eau et à l’assainissement sont les principales clés pour désamorcer les inégalités de base. “
Le sujet de leurs prochaines expéditions… Ils travaillent dessus. A suivre.