photo tournage

Un décor de rêve qui tient à le rester

Ils agissent

La Cité Internationale Universitaire de Paris, décor de choix des productions audiovisuelles, se sert de son statut pour répandre les bonnes pratiques

La Cité internationale universitaire de Paris est le premier lieu de tournages à rejoindre Ecoprod, une adhésion historique s’inscrivant parfaitement dans la démarche environnementale ambitieuse de ce site hors du commun. Accueillant plus de 150 tournages en moyenne par an, la Cité internationale est le premier lieu de tournage à décors multiples en Île- de- France, avec son parc de 34 hectares et ses 43 maisons aux architectures très variées.  Courts et longs métrages, clips musicaux, publicités, talk-shows…

À l’occasion de cette adhésion plus que bienvenue, nous avons rencontré Marie-Caroline DEMONNET, directrice de l’événementiel et de la location d’espaces, ainsi que Nicolas Le Noir, régisseur général au service tournage, pour échanger sur les actions de la Cité internationale.

Rejoindre Ecoprod, ça représente quoi pour vous ?

M-C Demonnet. : La Cité internationale étant, depuis 2009, dans une démarche éco- responsable, il est essentiel pour nous d’être exemplaire en matière de lutte contre le dérèglement climatique, et ce, dans tous nos domaines d’activités. En rejoignant Ecoprod, nous pouvons participer aux réflexions des acteurs du secteur, apporter notre pierre à l’édifice tout en découvrant de nouvelles pratiques. Les industries du tournage et de l’événementiel prennent conscience de l’importance  de  réduire leurs empreintes carbones, et entrent dans cette démarche. Agir collectivement dans le même sens aura forcément plus d’impact que les efforts individuels ou dispersés.

Vous avez repris les tournages depuis maintenant plus de cinq ans, avez-vous constaté une évolution du traitement de la question environnementale au niveau des productions ?

M-C D. : Il y a une prise de conscience globale dans le monde de l’audiovisuel sociétés de productions, même si le changement est parfois compliqué à amorcer. On nous demande déjà beaucoup moins d’installer des groupes électrogènes qu’avant par exemple.

Justement, que mettez-vous concrètement en place pour accompagner les tournages dans leurs pratiques éco-responsables ?

M-C D. : Nous avons arrêté d’envoyer des documents papiers pour les tournages. Pour limiter les déplacements des équipes de productions, nous leur proposons une offre de gardiennage des salons et des camions qui leur permet de rester sur site quand les tournages durent plusieurs jours. Nous prévoyons, dans la mesure du possible, de proposer des logements sur place aux membres non locaux des équipes de tournage.

Dans le cadre de vos autres activités, comme les colloques et le service traiteur, vous avez déjà pris certaines mesures relatives à l’environnement, c’est bien ça ?

M-C D. : Oui, nous avons changé notre façon de travailler. Tous nos choix sont guidés par l’éco-responsabilité. Par exemple, nous avons fait évoluer notre offre de traiteur : zéro plastique et davantage de matériel en bois, utilisation de nappes lycras lavables et réutilisables, couverts en bois issue de forêts certifiées FSC, recyclage du marc de café…Nous faisons évoluer tout notre système de travail allant du choix des matières à la réduction de la consommation d’énergie, en passant par la protection de la biodiversité.

Aujourd’hui, vous avez l’impression que vous impulsez bonnes pratiques ?

M-C D. : Il est pertinent pour nous de sensibiliser nos publics aux éco-gestes. Nous pouvons proposer des outils et des solutions mobilisables même hors du site. Nous sommes dans un espace naturel de 34 hectares dont une partie est classée aux Monuments historiques. Cela a beaucoup d’avantages et nous tenons à le protéger. Nous devons garantir la préservation de notre parc dans l’intérêt de tous, tout en poursuivant une cohabitation entre plusieurs activités. Il faut se souvenir que la Cité internationale est avant tout un espace de logements pour étudiants et chercheurs internationaux. De fait, nos activités ne doivent pas entraver le confort de nos résidents. Nous avons constaté que de nombreux projets s’inspirent de l’identité de la Cité internationale et capitalisent sur ce lieu. Ce lieu fait vraiment sens pour les tournages ! Donc plus nous diffuserons notre ambition écologique, plus les productions les intégreront dans leur fonctionnement.

Et les convictions écologiques dont vous avez pu me témoigner, c’est quelque chose qui se limite à votre service ? 

M-C D. : Pas du tout, la Cité internationale est précurseure en matière de lutte contre le dérèglement climatique. Nous en avons fait un des piliers de notre responsabilité sociale et environnementale. La Cité internationale a été un des premiers campus à avoir adopté une stratégie environnementale, que ce soit pour la gestion du parc, la rénovation des bâtiments ou la construction des nouvelles maisons. Cette responsabilité est l’essence de la Cité internationale. Salariés comme résidents, tous ont un attachement fort pour ce lieu. C’est à nous de sensibiliser les visiteurs. D’ailleurs, nos résidents s’engagent dans des projets personnels ou collectifs à impact positif et nous les soutenons grâce un fond : installation de bacs à composts, gestion d’un jardin bio partagé, d’une ressourcerie… À l’échelle du parc, les pesticides sont interdits depuis 2019, nous allons logiquement interdire l’utilisation de produits nocifs pour les effets spéciaux plateau par exemple.

Vous traitez directement avec les productions ?

M-C D. : Avec Nicolas Le Noir, régisseur général et interlocuteur pour les productions, nous les sensibilisons à ces enjeux. Dès les repérages, Nicolas leur fait part de nos engagements écologiques. Il m’accompagne aussi dans la validation du projet et supervise les tournages pour s’assurer que tout se passe bien, qu’il n’y a pas d’utilisation superflue d’électricité par exemple.

Et justement Nicolas, pouvez-vous nous parler de votre rôle à la Cité Universitaire ?

N LN. : J’ai rejoint le service tournage en 2014. Je suis devenu régisseur général et ai tout de suite essayé de comprendre concrètement ce qu’était un tournage de film, de court métrage, de publicité… Comprendre comment cela fonctionnait. Mon parcours et mes différentes expériences professionnelles, notamment dans la technique, me permettent d’avoir les bons réflexes quand je m’adresse aux productions, d’être un interlocuteur de choix et ainsi de gagner du temps dans l’organisation des tournages. Les équipes de production me présentent les scènes, je vérifie qu’elles sont adaptées à notre cadre bien particulier et m’assure qu’il n’y a rien de contraire à nos valeurs. Ensuite, je réponds à la demande en revenant sur la faisabilité du projet et propose quelques décors selon les besoins. J’ai créé une photothèque très détaillée des intérieurs et extérieurs pour présenter précisément les espaces aux productions. Certaines n’ont même pas besoin de se déplacer. Avec un interlocuteur unique, cela facilité la gestion du projet. Nous pouvons ainsi maîtriser ce qui se passe sur notre site.

Qu’est-ce que vous imposez par exemple ?

N LN. : En intérieur, nous demandons aujourd’hui aux productions d’utiliser des éclairages à LED sur batterie. Pour les prises de vue extérieures, nous voulons limiter le plus possible le recours aux groupes électrogènes. Nous avons donc commencé à installer des prises P17. Ce sont des installations électriques qu’on trouve déjà chez nous dans plusieurs zones mais que nous développons actuellement sur l’intégralité du site. Nous avons déjà pu en installer quelques-unes supplémentaires. Cette année, si nous avons accepté quatre groupes électrogènes, c’est vraiment le grand maximum.

Le fait que vous ne vouliez pas de groupes électrogènes, vous le dites dès les repérages ?

N LN. : Je n’ai pas vraiment besoin de le dire. Je vois bien que progressivement, les productions les évitent de plus en plus d’elles-mêmes. Avec l’installation des P17, cela va se faire tout seul. Mais oui, dès les repérages techniques, nous nous accordons de façon très claire sur le matériel qui va être utilisé de façon. Le jour du tournage, je vérifie que les choses qui ont été établies sont bien respectées.

Et concernant la nourriture sur les tournages, les productions ont-elles des contraintes ?

N LN. : Nous mettons à disposition deux emplacements de cantine sur site sur lesquels nous sommes aussi en train d’installer des P17 32 ampères pour alimenter directement les camions réfrigérés qui ont tendance à être branchés à des petits groupes électrogènes. En ce qui concerne le gâchis, les productions doivent adapter le nombre de repas au nombre de présents sur le tournage. Chaque soir, la cantine est prévenue sur le nombre de présents le lendemain, de sorte qu’il n’y ait pas de gâchis alimentaire. Pareillement, les tables régies doivent adapter les quantités au projet et au nombre de personnes. Ils réutilisent les non consommés et ne doivent rien laisser sur les lieux. Enfin, je fais en sorte que les productions adoptent le tri sélectif. Sur les gros tournages, la plupart ont un prestataire pour récupérer les déchets pré-triés et pour les toutes petites productions comme les shootings photos par exemple, nous leur permettons d’utiliser nos bacs de tri, installés dans tout le Parc.

Quelle est votre politique concernant les déchets de décor ?

N LN. : Comme nous proposons des décors naturels, il n’y en a pas vraiment. Nous allons surtout avoir de l’accessoirisation des espaces. Cela arrive, vraiment à la marge, que nous ayons des feuilles de décor, mais dans ce cas, je suis systématiquement mis au courant et les productions doivent être en contrat avec un lieu spécifique dans Paris qui les récupère.

Ça vous est déjà arrivé d’avoir des désaccords avec une équipe ?

N LN. : Nous travaillons en confiance. Les productions savent qu’elles ne peuvent pas me donner une information qui ne correspond pas à la réalité du métier. De la même façon, elles savent que je vais leur proposer des solutions adaptées. Je me renseigne aussi sur la façon dont les outils évoluent, sur ce qui est proposé à la location ou non. Je vois par exemple des loges plus économiques et indépendantes de groupes électrogènes se développer. La protection de l’environnement est un enjeu majeur pour nous. A partir du moment où un projet est accepté, cela devient aussi notre projet. Comme j’aime la Cité internationale, je tiens logiquement à faire respecter nos engagements. Je  pense donc avoir un rôle à jouer pour faire avancer évoluer les habitudes face à l’urgence écologique. Les productions qui arrivent chez nous signent une convention qui peut mettre fin à notre coopération si les clauses ne sont pas respectées. En neuf ans, cela ne nous est arrivé qu’une seule fois. Les équipes de tournage se comportent toujours de manière exemplaire et beaucoup font le choix de revenir chez nous.

Donc la Cité internationale, une fois qu’on y a tourné, on ne la quitte plus c’est ça ?

N LN. : Fort de ces années, je connais aujourd’hui beaucoup d’acteurs dans ce secteur Je pense  avoir créé un beau réseau. et une certaine harmonie. Les tournages sont fluides parce que nous présentons aux équipes une multitude de choix et d’alternatives, parce qu’on leur facilite le travail… Pour elles, tourner à la Cité internationale c’est aussi être accompagné et compris. Ils retrouvent à chaque fois cette ambiance unique d’un campus hors du commun à la Cité internationale et bénéficient d’une grande variété de décors différents. Il n’y a qu’ici qu’on peut faire le tour du monde en 80 minutes, qu’on peut tourner en Asie et en Angleterre dans la même journée. C’est notre force, et il ne faut pas la perdre.